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Pénurie de médicaments au Québec : un drame humain

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La pénurie de médicaments qui sévit actuellement au Québec, causée par un arrêt de production de l’usine Sandoz à Boucherville, ne fait vraiment pas d’heureux. J’ai reçu le témoignage d’une jeune femme (qui désire garder l’anonymat) que j’aimerais vous partager, puisque cette pénurie la touche directement aujourd’hui. Je la nommerai Christine. Elle habite en région.

En février 1996, Christine a reçu un diagnostic de maladie de Crohn, une maladie inflammatoire chronique intestinale. Elle commence donc un traitement par médicaments, mais rien ne fonctionne.

Alors, en l’espace de 7 mois, elle en était déjà à une possible chirurgie (iléostomie) même si elle ne peut pas rencontrer un spécialiste de la maladie. Alors qu’elle n’avait que 17 ans, on décide de faire l’opération. On lui annonce qu’on va faire une dérivation de l’intestin et qu’on garde son rectum et son colon, car c’est temporaire, au cas où un nouveau médicament sortirait.

Conséquemment à son opération et les problèmes de santé qui ont suivi, et la frustration de ne pas guérir, Christine fait une dépression. La prise de médicaments pour régler son problème lui fait prendre une quarantaine de livres en moins de six mois. Ensuite, elle découvre qu’elle a une hernie au ventre en raison de sa chirurgie, ce qui la met en arrêt de travail. Elle se fait opérer deux fois pour son problème de hernie, mais ce sont deux échecs, et en plus elle perd son travail.

Pour ajouter à son malheur, l’année suivante elle est hospitalisée pour une gastro-entérite, ce qui lui fait perdre sa place le lendemain pour une autre opération afin de régler son problème de hernie, parce qu’ils n’ont pas pu la rejoindre (elle vivait seule, et l’hôpital n’a pas réussi à parler avec les personnes à rejoindre en cas d’urgence). Finalement, elle se fait opérer une troisième fois, ce qui s’avère encore un échec. Point positif, elle trouve malgré tout un autre emploi.

Entre temps, elle essaye de trouver un autre gastro-entérologue ou un nouveau chirurgien, mais personne ne voulait de son cas. Malgré que rien ne fonctionnait pour la guérir, on lui disait qu’elle était déjà entre bonnes mains… Au niveau carrière, elle se retrouve encore en arrêt de travail, elle épuise son assurance chômage et se retrouve alors sur l’aide sociale.

Ensuite, un peu de lumière dans sa vie, elle rencontre quelqu’un. Ils décident d’aller voir à Montréal s’il y a des possibilités. Par bonheur, à l’Hôpital Général on lui dit qu’on peut l’aider. Elle voit un gastro-entérologue et un chirurgien colorectal. On peut enlever son sac abdominal et s’occuper de son problème de hernie. Ce qui sera fait avec succès, sauf pour la hernie, puisque la blessure s’infecte après-coup. Christine doit se faire opérer d’urgence, car il y a un risque pour sa vie.

Un peu plus d’une semaine plus tard, elle doit y retourner d’urgence encore parce que l’infection n’a pas été réglée par l’opération précédente. La cause de l’infection était une mèche qui avait été installée lors d’une de ses premières opérations. Donc, en enlevant tout, le problème revient. Mais elle se fait opérer à nouveau l’année suivante et cela règle pour de bon son problème de hernie, en tout cas jusqu’à maintenant.

L’année dernière, Christine rencontre un médecin dans le but de cesser sa consommation de narcotiques, afin de pouvoir retourner sur le marché du travail. Malheureusement, elle apprend qu’elle est atteinte d’une douleur chronique sévère en raison de ses nombreuses chirurgies. On lui prescrit alors un cocktail puissant pour espérer calmer sa douleur.

Au début de 2012, elle a un rendez-vous avec un médecin spécialiste de la douleur pour voir s’il y a des alternatives possibles. On lui apprend qu’il existe un médicament, la kétamine, que l’on administre par perfusion pendant 10 jours, ce qui demande une hospitalisation. Et par la suite, le patient va à l’hôpital une fois par mois pour se faire injecter le médicament. Si cela ne fonctionne pas, la deuxième option est une pompe que l’on introduit dans l’abdomen du patient et il va se la faire remplir aux deux mois.

Fin juin, on lui annonce que son hospitalisation pour son traitement à la kétamine sera reportée en 2013, en raison d’une pénurie. L’hôpital a déjà eu son quota pour ses patients ayant des douleurs chroniques et que l’on garde le reste pour les opérations qui en nécessitent.

Voilà où Christine en est. Elle voudrait bien avoir un enfant avec son conjoint, mais elle ne peut pas à cause de tout ce qu’elle prend actuellement comme médication. Tandis qu’avec la kétamine, il n’y aurait pas de problème au niveau de la conception, et cela lui permettrait en plus de retourner sur le marché du travail. Actuellement, juste faire sa routine quotidienne dans sa demeure l’épuise. Elle n’a plus de qualité de vie, elle souffre énormément et elle est à la limite de la quantité de médicaments qu’elle peut prendre.

Pour ce qui est de la pénurie, c’est tout sauf clair, mais je vais me concentrer aujourd’hui sur les conséquences. Le ministre de la Santé Yves Bolduc disait en février dernier :

 

Bien que l’usine Sandoz de Boucherville doive interrompre sa production, tous les patients recevront des soins «de façon efficiente, efficace» et «surtout de qualité» […] Il s’est dit convaincu que les professionnels de la santé sauront trouver des sources d’approvisionnement différentes ou des médicaments de remplacement.

 

Aussi :

 

Laissons les gens compétents prendre en charge ce dossier, c’est-à-dire les pharmaciens, les médecins et nos organisations médicales

 

Cela donne l’impression qu’il lance la balle dont ne veut pas le gouvernement.

Encore :

 

Mais, à la députée du Parti québécois qui lui demandait un «engagement solennel» qu’aucun patient ne souffrira de la pénurie, le ministre n’a pu s’avancer. «C’est de la médecine. On ne peut pas aller au-delà de ce qui est possible.»

 

Je me demande où se trouve l’impossible. Au niveau de l’argent?

Quoi qu’il en soit, Yves Bolduc s’est fait accuser en mars dernier de manquer de leadership face à la pénurie imminente et aujourd’hui, il y a Christine qui en souffre.

Et le plus aberrant, c’est que ce gouvernement, dont fait partie Yves Bolduc, va essayer de nous vendre la qualité de sa gouvernance pour se faire réélire…

(Photo : emagineart)


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